Homélie du 1er dimanche de Carême

"Parler du Carême, de l’entrée en Carême, mon Dieu, quelle aventure périlleuse !
J’ai résisté à une première tentation, celle qui m’aurait poussé à refuser cette homélie !"

 

Alain Petit-Jean, diacre

 

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Homélie du 1er dimanche de Carême

 

Parler du Carême, de l’entrée en Carême, mon Dieu, quelle aventure périlleuse !
J’ai résisté à une première tentation, celle qui m’aurait poussé à refuser cette homélie !

Avant de reprendre les textes de ce jour, il convient de chasser de notre esprit 2 tentations :

  • La première, c’est celle qui consisterait à banaliser, voire à maudire cette période que nous offre l’Église : « Le Carême, oh, je ne savais même pas que ça commençait aujourd’hui ! » … ou ceux qui savaient mais qui se disent : « Le Carême, oui, et après ? … c’est rengaine… c’est tous les ans la même chose !...  et puis, surtout, ce n’est pas drôle ! Il va falloir faire des efforts, des sacrifices… et puis, ça sert à quoi !»
    Le Carême n’aurait – il  pas bonne réputation : 6 semaines interminables placées sous le signe de l’austérité et de l’inoubliable poisson du vendredi ?
    Eh bien, aujourd’hui, je voudrais défendre le Carême, risquer un plaidoyer, vous partager ma conviction que cette période peut être une période de grâce…

 

  • Dissipons ensuite une 2ème tentation de notre esprit : est-ce que Jésus a vraiment pu être tenté, lui le Fils de Dieu, tenté comme nous ? Eh bien oui… Ce récit nous le raconte et à bien des reprises, l’Évangile nous en reparle. Jésus a été profondément homme et profondément Dieu. Il a résisté à la tentation, ce jour-là, comme il a résisté en bien d’autres occasions que l’Évangile nous raconte (tenté par les Juifs qui réclamaient des grands signes dans le ciel, tenté par son ami Pierre qui le poussait à renoncer à la folie d’être arrêté et mis à mort, tenté par tous ceux qui lui ont crié au pied de la croix de descendre de là s’il était vraiment Fils de Dieu ! ). Oui, Jésus a réellement été tenté mais il est resté jusqu’au bout fidèle à son Père et à la mission confiée : alors, c’est cette victoire sur la tentation que je veux vous inviter à vivre durant ce Carême !


Alors, ces 2 tentations chassées de notre esprit, reprenons la route du désert avec Jésus... Parcourons ensemble ces moments intenses de Jésus avant sa vie publique (Jésus a eu besoin de ce temps avant d’entrer en mission !).
Ne disons pas : « ces 3 tentations ne sont pas les nôtres »... elles sont tentations de tout homme...

 


1ère tentation : la tentation du pain quotidien ou de l’appétit de posséder et posséder toujours plus...

Le Pain quotidien, qu’est-ce que c’est : la nourriture dont nous avons besoin pour vivre sans doute, mais aussi l’argent que nous avons besoin pour l’acheter, notre travail qui nous permet de le gagner, cet argent, et toutes ces activités quotidiennes qui rythment nos journées... Notre pain quotidien c’est ce que nous possédons !

 

Alors, vous me direz : « tout cela n’est pas un mal » et vous aurez raison... Mais alors, où est la 1ère tentation ? Jésus nous dit aujourd’hui que l’homme ne peut pas vivre que de pain ! Notre 1ère tentation serait peut-être de vivre que de ce pain-là et de ne plus avoir de temps pour autre chose...
Vous, les plus jeunes, entre les cours et les devoirs à faire, les activités sportives et artistiques, les bons moments avec les copains... est-ce qu’il vous reste du temps pour regarder ce que vous vivez, y réfléchir, du temps pour prier ?
Et nous, les adultes, très sollicités parfois par votre vie professionnelle pour les uns, ou par votre pêche à l’emploi pour les autres, par votre vie familiale et vos projets... qui que nous soyons (riches ou moins riches, jeunes ou moins jeunes, en bonne ou moins bonne santé), nous avons à entendre aujourd’hui cette parole de Jésus, à la laisser résonner dans notre cœur, à l’inscrire dans notre manière de vivre :
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu !
Car tous, nous sommes tentés de vivre au ras de nos préoccupations, de nos désirs immédiats et parfois superficiels, sans jamais relever la tête ! Les propositions pour s’arrêter, lire la Parole de Dieu, la partager, prier et célébrer ne manquent pas dans notre doyenné ou ailleurs... Les prenons-nous vraiment pour nous ?

 

1ère tentation à repérer …. et donc, 1er défi à relever… Ce Carême vous en donne l’occasion :
le P de «  Prendre du temps » au lieu du T de la tentation de la suractivité...

 


2ème tentation : la tentation de la réussite ou du goût de parader…

« Réussir, mais, ce n’est pas un mal », allez-vous me dire. Non, bien sûr ! Celui qui ne réussit pas, qui ne réussit rien est très malheureux. Alors, là, où est la tentation ?
Eh bien, je crois que la tentation c’est de ne vivre que pour réussir, réussir à tout prix, courir après son petit succès, briller, agir pour la galerie, jouer un personnage, sauver la face… le culte de l’image, tellement prôné dans notre monde !
Cet été, à Cracovie, notre cher Pape François a interpellé les jeunes : qu’est-ce qui est essentiel pour vous ? Qu'allez – vous faire de votre vie ? Quelle trace allez-vous laisser ? Posez vous la question...
Eh bien, Jésus nous dit en ce début de Carême : « Bas les masques... n’agissez pas pour paraître... pas d’hypocrisie... que votre main droite ignore ce que donne votre main gauche... Dieu, votre Père, voit ce que vous faites dans le secret... »
Jésus nous invite à la grandeur du cœur, à la générosité fraternelle, gratuite, désintéressée... Là encore, nous n’avons que l’embarras du choix ! A qui ferai-je bénéficier mes talents, mes richesses, ma fraternité ? Qu'est-ce qu'on reçoit quand on donne...

 

2ème tentation à repérer... et donc, 2ème défi à relever... Ce Carême vous en donne encore l’occasion :
 le P du Partage au lieu du T de la Tentation de paraître et de la parade !

 


3ème tentation : la tentation du pouvoir ou l’ambition de dominer… La plus redoutable peut-être !

Tous, nous exerçons certains pouvoirs... Oh, bien sûr, pas « sur tous les royaumes de la terre ! » mais à des degrés moindres. Vous vous dîtes peut-être : « quel pouvoir je peux bien avoir et sur qui est-ce que je l’exerce ! » Comme beaucoup de gens aujourd’hui, vous avez plutôt l’impression de subir des pouvoirs de toutes sortes ( pouvoir de l’État, pouvoir de l’Entreprise… ) et ils ne sont toujours faciles à vivre, à accepter !
Mais, à d’autres niveaux, nous exerçons tous certains pouvoirs :

  • Parents, nous exerçons un pouvoir sur nos enfants,
  • Ministres de la Parole à l’Église, nous exerçons un autre type de pouvoir sur l’assemblée,
  • Élus et responsables d’associations exercent leur pouvoir sur les gens à qui ils sont liés……
  • Vous les jeunes, aussi, si vous suivez de longues études et parvenez à des postes de responsabilités, vous exercerez un pouvoir dans la société de demain.

Mais, le pouvoir n’est pas un mal... avoir des responsabilités, ce n’est pas un mal ! « Alors, où est la tentation, » allez-vous me dire.
La tentation, c’est de confondre le pouvoir avec l’ambition de dominer...
La tentation, c’est d’oublier que le pouvoir vous donne le devoir de servir...
Que de choses seraient changées dans le monde, dans les milieux sociaux, dans les milieux professionnels, dans les milieux économiques et politiques si tous ceux qui exercent un pouvoir l’exerçaient comme un service.
Ne sommes-nous pas tentés de nous servir de notre pouvoir au lieu de servir tout simplement ?

 

3ème tentation à repérer... et donc, 3ème défi à relever... 3ème invitation de Jésus pendant ce Carême :
le P pour Purifier nos cœurs dans le service au lieu du T de la tentation de dominer !



Voilà, frères et sœurs, où nous conduit le récit des tentations de Jésus… tentations de tout homme…
L’abondance, l’apparence, la puissance : des maladies bien actuelles dans notre monde, et très contagieuses… dangereuses, voire mortelles pour notre vie chrétienne… Pas de vaccin miracle contre ces maladies mais juste un peu de bonne volonté, le désir d’être meilleur et  l’image du Christ victorieux.

 

Aujourd’hui, il nous invite à participer à sa victoire sur les tentations en le suivant, c’est cela le Carême !
Ensemble, en Communauté, demandons à Jésus de nous aider à voir clair, à suivre le chemin qu’il nous montre, à refouler tout ce qui nous éloigne de lui et de nos frères. Puisse notre capacité d’Amour grandir en ce temps de désert et éclater à Pâques dans 40 jours…

 

Et comme le disait si sagement Armand, du groupe Hopen, hier soir à Rédéné, dans sa prière :
 Seigneur, tu as 40 jours pour faire quelque chose de beau en moi et de moi…

 

Demandons à Dieu d'agir en nous d'abord en ce Carême … la Grâce suivra !

 

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre.
Un tout petit Colibri prit son envol, survola les hautes flammes et revint dans la forêt alerter les animaux qui regardaient l'impressionnant panache de fumée s'élever dans le ciel.
Aucun d'eux ne bougeait, tous regardaient, pas un qui n'écoutait le Colibri qui les avertissait que le feu avançait, qui leur demandait de l'aide, les animaux se regardaient, incrédules, contemplaient les flammes et attendaient, apeurés.
Seul, alors, le petit Colibri s'activa, allant chercher quelques gouttes d'eau dans son minuscule bec pour les jeter sur le feu.
Il continuait encore et encore, de la petite flaque d'eau à l'immense brasier.
 Au bout d'un moment, le tatou, agacé par ses aller et retour, finit par se mettre en colère : - " Que fais-tu donc, sot Colibri, tu ferais bien mieux, comme nous tous, de regarder l'immense brasier détruire la forêt et de te chercher un abris ".
Mais le Colibri continue ses voyages de la petite flaque d'eau aux flammes immenses, sans même prendre le temps de répondre.
Cette fois, ce sont les oiseaux qui lui demandent : - " Mais, enfin, que fais-tu donc ? Regarde, déjà nos nids brûlent et toi, avec tes voyages sans cesse recommencés, dis, que fais-tu ? "
Alors, le minuscule petit Colibri s'arrête un instant, juste un petit instant, pour répondre :
- " Je fais ma part ! Faites-vous la vôtre ?"

Alain Petit-Jean, diacre