A l’aube du XIII° siècle en Italie, la vie simple et fraternelle de François d’Assise auprès des plus démunis fascine. Entouré de ses frères, porté par une foi intense, il lutte pour faire reconnaître sa vision d’un monde de paix et d’égalité.
Un film franco-italien réalisé par Renaud Fély et Arnaud Louvet.
En salle le 28/12/16.
Haters gonna hate !
Ceux qui s’attendent à une hagiographie rétro de Saint François d’Assise seront déçus. « Nous nous sentions transportés par l’homme, mais un peu écrasés par le saint » déclarent sans ambages les réalisateurs. C’est donc davantage le rapport de Saint François à la nature – qui en fait un visionnaire près de 900 ans après sa mort – et surtout son rêve d’une société fraternelle qui sont au cœur de ce biopic sorti en salles le mercredi 28 décembre. Un film qui a donc une résonance très contemporaine alors que les défis écologiques sont multiples et que le vivre-ensemble est constamment remis en cause.
Aux prémices de la vie franciscaine
Si l’intrigue oscille entre faits historiques et fiction, elle débute en 1209, année où le frère Elie, joué par Jérémie Renier, rejoint François et ses premiers compagnons de route. C’est à lui que revient le privilège de raconter François à travers une voix-off qui s’entremêle aux dialogues entre les frères de manière harmonieuse. Ces échanges dévoilent les aspirations divergentes des frères : si tous ont le désir d’une pauvreté évangélique, jusqu’où doit-elle aller ? Faut-il combattre la richesse ? Peut-on posséder des livres ? Des terrains ? Que faire concrètement pour les pauvres ? Le débat autour du travail de la terre par les frères est animé. « Dès qu’on travaille, François se braque » remarquera l’un d’eux.
De l’Idéal à la Règle de vie : l’Amitié du frère Elie à l’épreuve
De l’intuition de François de vivre l’Evangile dans toute sa radicalité naît donc rapidement la nécessité de rédiger une Règle de vie: d’une part pour pérenniser la fraternité, d’autre part pour obtenir de Rome une reconnaissance canonique.
Alors que la première règle écrite par François lui-même est rejetée par le Pape Honorius III en 1221 car jugée trop stricte, Elie, l’Ami fidèle, prendra le parti du pragmatisme quand François refusera toute inflexion, synonyme pour lui de compromission : « la liberté ne se négocie pas » dira-t-il à Elie.
Envers et contre tous, frère Elie tentera de rendre possible la vie voulue par François dont le cardinal Hugolin affirmait « son idéal n’est pas de ce monde ». Un film qui exprime toute la confrontation des rêves avec la réalité terrestre mais aussi toute la tension d’une amitié parfois avec, parfois contre, parfois en soutien, parfois en opposition et pourtant toujours motivée par la nécessité d’une construction commune.
Éclairage du frère Nicolas Morin, ordre des frères mineurs
« Une première approche superficielle du film pourrait déclencher des réactions décontenancées, voire déçues : où est le François que nous connaissons ? Car il ne faut pas venir voir L’Ami, François d’Assise et ses frères dans l’idée d’y trouver une nouvelle Vie du Poverello.
Nous découvrons d’abord une Fraternité partageant étroitement la vie des plus pauvres. Une Fraternité qui puise dans la prière son unité et son amour du Christ pauvre. Au cœur de cette Fraternité, François est comme brûlé par le feu de l’Évangile. Vivre l’Évangile, au milieu des plus petits, des parias de notre société, voilà sa vie et sa Règle. François qui se fait saltimbanque, héraut de l’Évangile, au risque de rencontrer incompréhension et hostilité. Mais le cœur de l’intrigue est ailleurs. Le film choisit de mettre en lumière la relation entre deux hommes : François et Élie. Élie, un de ses premiers disciples, est profondément attaché à François. Il veut l’aider à « réussir » son utopie fraternelle ; mais pour cela, il faut un minimum d’organisation afin de gagner en « efficacité ». La nouvelle Fraternité pourrait « faire » tant de choses pour Dieu, pour l’Église et même pour les pauvres. Pourquoi sa générosité se heurte-t-elle au refus de François et à l’incompréhension des frères ? Qu’est-ce qu’il n’a donc pas compris de l’idéal évangélique de François ? Cette relation passionnée et douloureuse n’était-elle pas déjà celle qui unissait l’apôtre Pierre à Jésus ? Jésus mettant son compagnon en garde : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
L’Ami, François d’Assise et ses frères pose donc la question de la fidélité à l’utopie évangélique du pauvre d’Assise, question qui traversera les époques et les cultures. En cela, ce film m’a profondément bouleversé, servi par une grande justesse du jeu des acteurs et la beauté des paysages traversés. »